En cette journée nationale de la toxicomanie, en ce mois d’octobre qui signe mes 3 ans de sobriété et les 1 an du projet KEROSENE, qui raconte l’histoire d’une descente dans les enfers de l’addiction, des méandres de la dépression, mais aussi et surtout la lumière qui a pris tout l’espace au fil des jours d’abstinence, je pense à la chance que j’ai de vivre aujourd’hui sans ivresse, sans euphorisants, sans honte, sans la peur de laisser un enfant sans mère…

Je pense à la chance que j’ai d’avoir tant été aidée, et d’avoir su me laisser aider surtout.
D’avoir laissé l’amour me porter, pour une fois.
D’avoir connu cette autre vie proche de la mort, pour profiter de celle-ci, plus simple, mais tellement plus vraie, comme une seconde chance d’être heureuse.
De tenir chaque jour debout, plus droite, plus grande, plus forte, face à l’adversité de cette route.

Mais je pense surtout à celles et ceux qui luttent, chaque jour, contre leurs démons. Parce que l’on n’est pas tous égaux face à cette foutue addiction. Et que parfois on a un peu perdu à ce loto là.
Mais cela signifie aussi que l’on a gagné à un autre tirage. Celui du combat, de l’expérience, de la détermination, celui du partage, de l’acceptation. Cela signifie qu’on est condamné à faire mieux, sans cesse, et que c’est pas si mal d’avoir cette mission de vie. Et je l’expérimente chaque jour de la mienne, parce que non, rien n’est jamais acquis et qu’il faut rester vigilant dans cette lutte perpétuelle.

Je pense à vous, à tous ceux avec qui j’ai déjà échangé et à tous ceux qui souhaiteraient le faire.
L’isolement des prochaines semaines peut s’avérer encore plus difficile qu’en temps « normal ». Il n’y a pas de honte à appeler des gens compétents, à vous faire AIDER. L’acceptation, c’est le premier pas vers la guérison.

Vous connaissez peut-être dans votre entourage des personnes susceptibles de souffrir de ces maux… soyez à l’écoute!

On n’en a que faire des doutes, des rechutes, des moments de faiblesse, soyez-en sûrs, puisque « mieux vaut marcher boiteux sur le bon chemin, que d’un pas ferme sur le mauvais » (Saint-Augustin)

KEROSENE, le livre & l’album, est né de tout ça.
Quelques extraits :

Petit matin aux Abbesses, nous commandons du blanc. La nuit fut longue. On croise «les gens pour qui c’est déjà le matin ». Certains courent, en retard, des voitures klaxonnent, des enfants passent, encore sommeilleux. Je pense à mon fils. À son père, qui est en train de l’accompagner à l’école. Je me vois d’en haut. La lumière du jour ramène un peu de vérité sur ma vie. Elle nous colle des rides, des cernes. Elle nous fait du tort. Le sol est encore humide, fumant, glacé par la nuit. Il nous ressemble. Nous ne sommes que le reflet de ce que nous avons consommé. Pourtant, personne ne semble le remarquer. Nous sommes invisibles, comme si nous n’appartenions déjà plus à ce monde. Les gens nous transpercent, nous traversent. Nous ne sommes personne.

Chaque minute qui passe est une minute de trop. Et depuis quelques heures déjà. Mais on ne se le dira pas, de peur que tout le monde pense pareil. On continue coûte que coûte. On rit encore, de nous, sûrement. On se croit encore un peu au-dessus des autres. Ça ne durera plus que quelques heures, parce que, bientôt, ce sera l’enfer du retour, des somnifères, de la culpa- bilité, de la pensée noire, de la fatigue, des larmes.

Quand le silence se fait autour de nous, c’est le vacarme qui s’empare de notre tête.

Je vais encore jurer que c’est la dernière fois. Que je ne vais pas pouvoir tenir plus longtemps, que je vais crever. Je vais jeter la fin du sachet aux chiottes. Je vais effacer toutes les traces de cette soirée. Tous les numéros utiles à ma destruction.

Je n’arriverai pas à dormir jusqu’au lendemain soir. La nuit aura eu le dernier mot. Je n’aurai même pas su lui voler quelques vapeurs d’esprit. Rien. Que l’inépuisable grincement du silence, l’inégalable blancheur du matin.

J’aurai mangé toute la journée et me serai détestée jusqu’à vomir. J’aurai annulé tous mes rendez-vous et versé des litres de larmes sur Netflix.
Mais ça ne suffira pas. Et je recommencerai.

KEROSENE, page 235

Je découvre les réveils sans maux de crâne. Les journées sans fatigue, les matinées ensoleillées.
Je me souviens de mes soirées.
Je me souviens de mes rêves. Ils sont souvent en lien avec la cocaïne.

Je parle moins, j’écoute plus.
J’envisage, je prévois.
Je ne passe pas mon temps à vouloir le tuer.
Je ne retire plus 150 euros tous les deux jours.
Je ne saute plus dans un taxi au cœur de la nuit pour faire prendre l’air à mes démons.
Je ne sors plus en pyjama pour aller chez l’épicier du coin acheter une bouteille de vin.
Je n’ai plus l’impression que les gens me regardent de travers parce qu’ils savent.
Je me sens à ma place à peu près partout.
Je subis moins. J’agis davantage.
Je m’endors tôt sans avoir besoin de m’assommer à cause de l’excitation qui ne redescend pas. Sans somnifères. Sans cogiter des heures.
Je ne m’ennuie pas.
Je ne pense plus être à demain. Je supporte la nuit, j’aime qu’elle me berce dans le sommeil.
Je ne lutte plus.
J’arrête de fréquenter certaines personnes, certains lieux.
J’ai clos mon compte Facebook, car je souffrais aussi de cette addiction qui ne dit pas son nom. On se perd souvent dans les réseaux sociaux, comme dans la drogue, comme une solution alternative à la vraie vie. J’arrêterai bientôt de poster ma vie sur Instagram et de me délecter jalousement de celle des autres.
Je rate la vie de tout le monde, mais plus la mienne.

KEROSENE, pages 200

4 Comments

  1. Cela me donne envie de relire le livre…
    Vous pouvez etre fière de vous

  2. Laetitia LOPEZ Reply

    felicitations pour vos trois ans et c est un combat de tous les jours !!! prenez soins de vous et soyez heureuse !! signé une infirmière d addictologie !!

  3. Oui ma vie c’est un manège …des hauts des bas mais dangereux si l’addiction vous empare et vous mène par le bout du nez oh que oui …dans ma famille ,alors que j’étais adolescente ,j’ai souffert de l’alcoolisme de mon frère aîné qui a réussi à devenir abstinent à 50 ans même s’il était tard il était temps il était au bout et ses 2 enfants ont dû être le déclencheur de cette sortie vers la sobriété mais une chose est sure il fêtait toujours cet anniversaire du 4 octobre et disait que c’était sa vraie naissance (ou renaissance)…

  4. Salut Rose
    Je viens tout juste de te découvrir,comme ça, par pur hasard. Ta musique ne joue pas ici au Québec. Déjà trois jours d’écoulés et ça m’a permis de connaître et d’apprécier tes textes et arrangements musicaux. Tes vidéos clips sont captivants et se marient bien avec tes compositions. Au plaisir d’échanger qq mots avec toi. Mille bravos

    Jean

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